lundi 18 juillet 2011

Où Mlle B...s'en sort presque indemne...

Plus Mlle B... grandit, plus son adresse se perfectionne. Les points de broderie divers n'ont désormais plus aucun secret pour elle, et elle les exécute maintenant avec rapidité et aisance.
Lors de l'un de ses cours hebdomadaires, alors que la religieuse qui donne les cours de broderie passe dans les rangs pour voir l'avancée des marquettes de chacune des élèves, elle hausse les sourcils.
- Mlle B..., vous faites des aiguillées de fil bien petites !
L'intéressée ne répond rien, ne sachant trop si la réplique se veut acerbe ou une simple constatation...
La religieuse finit son tour de la classe, et soupire.
- Toutes celles que je vais nommer à présents seront retenue une heure de plus à la fin de ce cours !
Des murmures de mécontentement se font entendre au fond de la salle. Mais que vaut encore cette remontrance qui paraît si injuste ?
La religieuse reprend : "En effet, je constate avec désolation que vous ne savez pas suivre mes conseils avisés, mesdemoiselles. Je vous ai pourtant maintes fois recommandé de ne pas faire des aiguillées de fils trop longues ! Seriez-vous des fainéantes ?
Toutes les petites filles regardent alors leur fil, dont l'aiguillée est souvent supérieur à 40 cm de longueur.
- Ici, sachez que nous ne formons pas de futures femmes de maison paresseuses ! Aussi, je vous le redis une toute dernière fois : une aiguillée ne doit dépasser 30 cm de long !

***
La liste des petites filles retenues en classe est longue. Elle contient les deux tiers du groupe. Seules quelques unes ont la chance de pouvoir se dégourdir les jambes durant une trentaine de minutes avant d'aller vaquer aux tâches ménagères qui leur incombent.
Mlle B... et Mlle E... font parties de celles-ci, ce qui leur vaudra un peu plus tard d'être à nouveau harcelées par les plus âgées.
Celles qui doivent rester encore une heure dans la salle subissent une double peine : non seulement elles doivent défaire les points qu'elles ont effectué pendant le cours avec du fil moins long, mais elles prendront du retard sur leurs tâches ménagères. Ce qui signifie qu'elles finiront leur journée et pourront aller se coucher une heure après le couvre-feu...
***
Cet épisode de sa vie d'enfant restera gravé dans sa mémoire tout au long de sa vie. Elle racontera à ses petites filles, lorsqu'elle sera grand-mère, que lorsque l'on fait de la couture ou de la broderie, il ne faut pas faire d'aiguillée de fainéante !

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Coucou Lolli, tu vas rire, mais quand j'étais petite et que je brodais pour faire comme maman qui était couturière, j'ai entendu cette rengaine : "tu fais des aiguillées de fainéante !..." quand les miennes étaient trop longues... et quand ma fille s'essaie à coudre un bouton ou à broder, je lui transmets la réflexion qui vient de bien loin, je pense... Je ne suis pas sûre qu'il existera encore longtemps des fainéantes à longues aiguillées... je l'espère !
B.

Hélène a dit…

Pareille pour moi, ma mère et ma grand'mère me parlaient d'aiguillée de paresseuse. C'est une expression qui s'est transmise de génération en génération, on dirait bien.

Hellès a dit…

B. : Je n'ai que ton initiale, mais cela ne m'empêche pas de te dire que si j'ai bien compris, c'est une réflexion générationnelle, ce n'est pas possible autrement !

Hélène : Nos mères et grand-mères auraient-elles toutes entendues ça dans leur vie et nous l'auraient transmis ?