lundi 1 août 2011

La vie de Mlle B...

La saga de l'été continue avec l'histoire de Mlle B...

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Durant toute la période où Mlle B... reste à l'orphelinat, de l'âge de cinq ans à celui de douze, sa passion pour les cours de broderie ne la quitte pas. A tel point qu'avant de partir de l'institution, elle décroche haut la main un diplôme spécialisé en broderie traditionnelle. Comme elle aurait aimé pouvoir vivre de ses broderies...
Malheureusement, dans les années 30, à la veille de la seconde guerre mondiale, l'heure n'est pas à vivre de sa passion... A l'âge de douze ans, il faut quitter l'orphelinat, car on ne peut la prendre en charge à cet âge. Il est absolument nécessaire qu'elle s'assume financièrement et est logée provisoirement par l'une de ses tantes, qui elle-même a beaucoup de bouches à nourrir.
On lui trouve une place de femme de chambre dans une famille aisée du pays angevin, où elle doit s'occuper des enfants, faire le ménage, les courses et la cuisine, en échange de quoi elle est logée et nourrie par ses patrons. Elle a droit à trois jours de congés par an, où elle revient chez sa tante, faute de mieux.
Ses années-là sont difficiles pour la toute jeune fille qu'elle est alors.
La charge de travail et les conditions sont telles qu'elle commence à s'affaiblir. Elle n'aura jamais véritablement de problème de santé grave, hormis celui qui la fera quitter ce monde, mais frôle sans cesse la limite.
Dans cette famille aisée, elle apprend à ne pas faire trop chauffer le fer pour ne pas endommager les belles chemises en dentelle de Madame et les costumes de Monsieur. Le tissu de leurs vêtements est d'excellente qualité, paré de boutons de nacre et de dentelle aux emmanchures et aux cols. Parfois, il sont si précieux que Mlle B... ose à peine les toucher. Comme cela la change des draps de l'orphelinat en coton épais et lourd qu'il fallait repasser des heures entières au fer brûlant !
Pour ne pas abîmer ces vêtements luxueux, elle découvre l'utilisation de la pattemouille et devient experte dans l'art de chauffer le fer à point. Art qu'elle saura transmettre à l'une de ses filles aînée. D'ailleurs, lorsque, bien plus tard, ses enfants lui offriront un fer à repasser électrique, elle mettra un certain temps à le sortir du placard pour s'en servir...
Debout des heures entières en repassant et en préparant les déjeuners, accroupie dans la cuisine, le cellier ou l'office pour lessiver le sol et curer tous les poêles et cheminées de la grande maison, elle est ravie de s'asseoir une fois la nuit bien entamée, pour repriser. Cela la détend, la défatigue de sa très longue journée, et la prépare à bien dormir avant de se lever bien avant le soleil pour recommencer une nouvelle journée.
Monsieur refuse de jeter les vêtements abîmés, tandis que Madame mettrait volontiers aux poubelles une chemise dont il manque un bouton. Monsieur condescend donc à lui laisser faire de petites reprises, au grand dam de Madame, qui ne sait pourtant pas réparer un accroc... Si bien que si la reprise est mal faite, Madame lui fera une réflexion sur son absence de dextérité devant toute la maisonnée. Alors, elle s'applique. Elle y passe des heures, la nuit, sans que personne ne s'en effraie, pour finir un ourlet décousu ou une boutonnière cassée.
Elle est souvent fière du résultat et exulte intérieurement lorsqu'elle n'a pas de remontrance. Si seulement Madame la laissait acheter du tissu, elle ferait de merveilleux habits au enfants ! Mais il n'en est pas question, il leur faut des vêtements entièrement neufs, un nouvel ensemble chaque mois à la dernière mode parisienne...

- crédit photo : Hellès -

2 commentaires:

Sylvie 45 a dit…

Merci pour votre histoire très plaisante, que la vie était dure autrefois...A lundi prochain.
Sylvie.

Hellès a dit…

Sylvie45 : c'est vrai, la vie autrefois n'était pas facile... A lundi pour un autre chapitre !