dimanche 10 juillet 2011

Quand l'art de broder traverse les mers : Madère

En juillet 2006, un an et demi après mon mariage, nous sommes partis en voyage de noces, comme pour conjurer le destin...
Avant de partir visiter l'archipel de Madère, j'avais fait un certain nombre de recherches pour tout savoir de la broderie qui s'exécutait là-bas et qui en porte le nom. Aussi, dès que nous avons trouvé l'endroit où se cachait le musée de la broderie, je n'ai pas pu faire autrement que d'y passer une demie journée ! Ce musée abrite la toute dernière usine de la ville de Funchal (capitale).
Voilà donc un petit reportage sur ce qui subsiste encore de ce qui fut l'Art florissant de l'île principal de l'archipel et qui faisait fureur au 18ème siècle dans les principales cours royales d'Europe.
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En premier lieu, il faut imprimer sur le tissu, en général de l'organdi ou une cotonnade très fine, le motif à broder. Pour cela, le motif est décalqué sur une feuille de soie, puis percé d'une myriade de petits trous espacés d'un millimètre seulement....

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Une fois que ce travail - qui requiert infiniment de patience - est terminé, la seconde étape consiste à imprimer le motif sur le tissu. Les femmes utilisent du bleu de meudon dilué avec beaucoup d'eau, et avec une petite éponge, tamponnent délicatement la feuille de soie. Celle-ci, placée sur le tissu, va s'imbiber du bleu qui va passer par tous les petits trous et faire apparaître en-dessous le motif. Ingénieux, peu coûteux et rapide !
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 Voici la multitude des motifs à broder, bien soigneusement rangés dans ces centaines de boîtes, qui ornent l'atelier de l'usine... toutes les boîtes sont référencées, numérotées et légendées, pour pouvoir les retrouver d'un coup d’œil. Devant les étagères, les grandes tables à dessin servent à reproduire le motif à broder - qui peut-être de grande longueur - au moyen d'une mine de plomb très fine.
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Nous voilà à l'étape cruciale, celle de la broderie à proprement parlé. Elle se fait à la main, de manière traditionnelle. Chaque brodeuse dispose d'une grande table de travail et bénéficie de beaucoup de lumière du jour grâce aux grandes vitres de la pièce. Elles brodent directement sur le tissu confectionné pour recevoir l'ornement : un chemisier, une robe de baptême, un mouchoir...
La broderie se fait dans un silence religieux, presque monacal. C'est qu'il ne faudrait pas avoir à recommencer une pièce, car cela signifie perdre du temps et être moins payé, car les brodeuses sont payés au nombre de pièces fournies en fin de semaine...
 Le travail de la brodeuse est ensuite vérifié par l'une de ses collègues située dans la même pièce. Il s'agit là de couper les petits fils à l'arrière du tissu, de faire des rentrés s'il y a lieu, ou de faire quelques retouches. Le dos de la broderie doit évidemment être aussi parfait que l'avant. S'il y a des défauts majeurs, la pièce est renvoyée à la brodeuse "d'origine", qui doit refaire son travail.
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Une fois la broderie achevée, le morceau d'étoffe part dans la buanderie où il est lavé et consciencieusement repassé.
 
Puis il est conditionné dans des sachets ou des boîtes et envoyés s'il s'agit d'une commande, ou bien descendu au rez-de-chaussée dans l'espace boutique pour être proposé à la vente.
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Cette broderie fait partie des broderies blanches, et vient d'Angleterre, car ce pays fut le premier à avoir colonisé l'archipel, bien avant les portugais. Au départ, cette broderie était surtout destinée pour réaliser des trousseaux de jeunes fiancées et des vêtements de cérémonies. Elizabeth Phelps, aristocrate anglaise, est celle qui, lorsqu'elle est arrivée à Madère, a appris très rapidement les principaux points de broderies aux petites filles qui étaient pensionnaires au couvent Sainte Claire à Funchal. La plupart des motifs brodés sont des motifs floraux, avec des jours à échelle. Il y a aussi de la broderie appliquée sur du tulle, pour les pièces les plus précieuses. Vers 1880, la production a réellement commencé à s'industrialiser, devant l'ampleur du succès, et ce, grâce aux machines crées par les portugais.
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